La Rebletzerie

Trans’histoire – août 2024

La Rebletzerie, c’est un néologisme, mais que tout le monde comprend, du moins en Suisse romande. Le bletz, c’est une de ces expressions locales, piquée au bärndütsch, qui signifie un morceau de tissu, de cuir ou de caoutchouc pour rapiécer… La Rebletzerie, c’est une super histoire de racommodage et de transition professionnelle, écologique et sociale. 

Par Nathalie Ljuslin

Dans la vie, il y a deux catégories d’individus : ceux qui regardent le monde tel qu’il est et se demandent pourquoi, et ceux qui imaginent le monde tel qu’il devrait être et qui se disent : pourquoi pas ? 

Georges Bernard Shaw 

Vous aimez randonner en nature, attaquer des cols avec votre vélo ou camper dans des loins reculés en pleine nature ? Il y a de fortes chances que pour aller au contact de cette nature sauvage vous utilisiez du matériel de sport léger, résistant, transpirant… et très souvent très polluant au vu des matières synthétiques souvent utilisées ! C’est tout le paradoxe.

Joana Simond et Julien Gurtner, deux jeunes trentenaires aussi fans de voyages sportifs et très sensibles aux questions écologiques, ont eu un déclic lors d’un voyage à vélo sur la ViaRhôna, entre le lac Léman et La Méditerrannée. Julien, designer et Joana s’étant formée à la couture, ont testé sur leur vélo des sacoches réalisées avec des chutes de tissu, qui se sont révélées résistantes. En pédalant, ces deux ingénieur-es de formation ont commencé à imaginer des solutions pour revaloriser des étoffes et autres tissus issus de matériel de sport promis sinon à la déchetterie et à l’incinérateur.

Leur déclic se résume en trois mots : Récupérer. Refabriquer. Rebletzer. 

Plutôt que jeter sa voile en fin de vie, la tente 4 places qui nous accompagne depuis notre enfance, de vieilles chambres à air, il y a à présent la possibilité de l’offrir à la Rebletzerie, l’entreprise que ce couple a créée. A partir de ce matériel récupéré, Joana et Julien refabriquent du nouveau matériel de sport, comme des sacoches de vélo, des pochettes à emporter dans des treks ou des trousses à outils. 

Mais il y a aussi – et surtout – la réparation, notamment à l’aide du « bletz », cette pièce rapportée qui permet de réparer un trou. Et qui permet aussi d’apporter une touche de couleur et d’originalité assumée. Joana rebletze également une doudoune abîmée, un sac-à-dos troué ou une tente perforée. C’est surtout ça la vision du couple : offrir à chacun-e la possibilité de rallonger le cycle de vie d’utilisation de ses objets et textiles, et réduire ainsi le gaspillage et l’impact environnemental.

Dans leur nouveau et spacieux espace à Saint-Blaise (NE), les deux compères ont aussi l’envie de mettre sur pied des ateliers participatifs ou des cours à thèmes afin de transmettre leurs connaissances en la matière. Afin de reblezter soi-même, et constater combien cela peut être gratifiant et source de satisfaction. Des kits de rebletzage sont à présent également à disposition. 

Joana a « l’impression de vivre dans le monde qu’elle aimerait voir advenir. » Mais pour l’instant, « il n’est pas toujours facile de convaincre les gens de payer une réparation, surtout quand le jeans troué leur a coûté CHF 10.-. » Des adaptations de prix sont toutefois possibles, en jouant sur la visibilité de la réparation. 

🌐 Site internet  : https://la-rebletzerie.ch

Rue de Neuchâtel 2A, 2072 Saint-Blaise (NE)
077 449 89 31

 

Ce projet de vie qui participe à l’économie circulaire locale s’est monté étape par étape. Accompagné-es par un coaching de lancement d’entreprises responsables et durables au Hub Neuchâtel, et encouragé-es par deux prix (du programme Activation du Hub et de la Caisse cantonale d’assurance populaire) et un fonds de soutien à l’innovation (du programme Energy Living Lab), la décision a été prise de quitter leurs emplois dans le domaine de l’horlogerie, graduellement, mais aussi d’assurer leurs arrières avec un poste dans une épicerie.« Une décision difficile à prendre, mais mûrement réfléchie et maintenant que nous y sommes, nous ne serions pas capables de revenir à notre monde d’avant. » Même si tout n’est pas toujours facile, leur vie étant un peu en montagnes russes, la transition vers leur monde de rêve en valait vraiment la peine. 

En conclusion, « Rien ne se perd. Tout se rebletze », tout simplement.