Le Fablab de La Chaux-de-Fonds
Trans’histoire – décembre 2025
À La Chaux-de-Fonds, le Fablab incarne un exemple concret et inspirant de transition écologique et solidaire. Cet atelier de fabrication numérique ouvert à toutes et tous réunit technologies sobres, intelligence collective et savoir-faire partagés. Ici, on apprend à fabriquer, réparer, innover localement avec des outils accessibles, dans une logique de durabilité et d’autonomie. Les machines servent ici de prétexte à explorer des alternatives : comment faire mieux avec moins, comment concevoir des objets réparables, comment s’inspirer de la low-tech pour transformer nos manières de fabriquer ?
Par Nathalie Ljuslin
La science est une chose trop importante pour être laissée entre les mains des seul-es savant-es
Carl Sagan
Perché dans les montagnes neuchâteloises, le FabLab de La Chaux-de-Fonds ne paie peut-être pas de mine à première vue. Mais derrière ses murs, c’est une autre vision du monde qui s’invente : un monde où la technologie ne rime plus avec obsolescence, gaspillage ou dépendance industrielle, mais avec autonomie, créativité collective et sobriété.
Contrairement à de nombreux Fablabs en Suisse, rattachés à des Hautes écoles, celui de La Chaux-de-Fonds se distingue par son ancrage populaire. Il fonctionne grâce à une équipe de bénévoles engagée, et repose depuis peu sur une gouvernance partagée, à laquelle tiennent particulièrement ses membres. Sa présidente, Mélanie Thomas, souligne : « On a construit ici un lieu ouvert, qui promeut l’autonomie technique,, où chacun·e peut s’approprier les outils et les savoirs. Ce qui nous importe, c’est l’intelligence collective et le faire ensemble. »
Le mot “fablab” est un anglicisme pour “fabrication laboratory”. Ce terme désigne un type de tiers-lieu particulier. Ici, les machines ne servent pas à produire en masse, mais à créer du sens. Découpeuse laser, imprimantes 3D, fraiseuses numériques, machines à tricoter, outils de menuiserie : tous ces équipements, habituellement réservés à l’industrie, sont mis à disposition du grand public. Parce que le FabLab défend l’idée que fabriquer c’est faire société et que la mise en commun d’outils peut devenir une ressource citoyenne, encourageant la fabrication locale, le “faire soi-même” ou, mieux encore, le “faire ensemble”.
Depuis quelques mois, le lieu accueille également l’atelier participatif Roue libre, qui propose aux habitant·e·s de venir réparer vélos, skates et trottinettes dans un esprit de partage, de réemploi et d’autonomie. Ce croisement entre mobilité douce, entraide et transmission illustre parfaitement l’esprit du lieu.
Au cœur du FabLab, on trouve bien plus que des machines. On y croise des bricoleur·euse·s passionné·e·s (« des faiseurs/euses »), des artistes, des ingénieur·e·s, des passionné-es de couture, des lycéen·ne·s, des retraité·e·s, des personnes curieuses — toutes celles et ceux qui rêvent de créer autrement. C’est un univers où la technique rencontre la créativité collective.
Ici, on ne cherche pas la dernière innovation tape-à-l’œil. La star, c’est la low-tech : des solutions simples, robustes, durables, réparables, qui s’opposent à la course au tout-connecté, au jetable, à l’énergivore. Un four solaire, un séchoir solaire, une marmite norvégienne, un régénérateur de piles alcalines … Ces projets, qu’on pourrait croire sortis d’un futur alternatif, sont réalisés sur place, en collaboration, avec des matériaux accessibles. Le FabLab a d’ailleurs organisé un festival Low Tech Festilab en octobre 2025.
Ce lieu de fabrication est aussi un espace de transmission. On y vient pour apprendre à manier les outils, comprendre les principes de l’électronique, partager un savoir-faire ancestral ou expérimenter une idée nouvelle. Le FabLab devient alors un carrefour entre générations, entre pratiques artisanales et innovations locales.
Et quand on manque du bon tournevis, que le bouton poussoir est introuvable sur le marché des pièces de rechange, c’est ici qu’on peut trouver son bonheur dans les tiroirs ou grâce à l’imprimante 3D par exemple. Loin de l’obsolescence programmée, on redonne de la valeur aux objets, et de la confiance aux individus.
Le FabLab de La Chaux-de-Fonds n’est pas seul. Il fait partie d’un réseau mondial de plus de 2 000 FabLabs répartis dans 109 pays. L’idée est apparue dans les années 2000 au MIT. Chaque lieu est unique, mais tous partagent une même charte. Grâce à ce réseau, les idées circulent, les projets locaux trouvent un écho global, et les solutions peuvent être adaptées à des contextes variés, du Jura suisse aux bidonvilles de Lima.
En ces temps de bouleversements climatiques, d’incertitudes économiques et de ruptures sociales, le FabLab de La Chaux-de-Fonds montre qu’il est possible de faire autrement, concrètement, à son échelle. Il incarne cette transition écologique et solidaire que beaucoup appellent de leurs vœux : une transition fondée sur la connaissance partagée, la réappropriation des outils, et la coopération.
Ici, on ne parle pas d’utopie. On fabrique l’avenir, pièce par pièce, avec les moyens du bord, l’intelligence collective et le cœur grand ouvert.
🌐 Site internet : https://www.fablab-chaux-de-fonds.ch/
(avec notamment comment y mettre un pied, avec ou sans abonnement)
Rue de la Serre 68
2300 La Chaux-de-Fonds