Micaël Metry

Portrait d’un transitionnaire

Micaël Metry est géographe. Mais comprendre les phénomènes physiques, biologiques et climatiques qui se produisent sur le globe terrestre quand ils sont ignorés par les stratosphères économiques et politiques ne suffit pas. Il s’est outillé pour militer et accompagner des groupes tels qu’Extinction Rebellion dans leur activisme politique.

Entretien réalisé par Muriel Raemy

J’ai une foi inébranlable en l’humain : nous avons la capacité de changer.

Micaël Metry

Muriel : Micaël, tu cherches les fragments de lieux et d’actions qui vivent et façonnent la résilience. Explique-nous ta démarche.

Micaël : Je m’efforce d’imaginer ce qui n’est pas encore présent, mais qui pourrait l’être : une ville sans voitures, une économie locale, une nature régénérée. Je suis porté par le Travail Qui Relie, il est ma colonne vertébrale ! Joanna Macy – l’auteure du processus – parle de trois mythes collectifs que la société humaine a le choix de se raconter : celui de la croissance, celui de l’effondrement et le dernier qu’elle nomme le Grand Tournant ou le Changement de Cap. Je décide chaque jour activement d’orienter mon attention sur les dimensions qui illustrent ce changement de cap. Je cherche ce qui va bien, je rencontre les gens qui s’engagent. La réalité est multiple et je veux voir ce qui bouge dans une direction qui nous redonne de l’espoir et du pouvoir sur notre vie. Cette vision revêt une dimension presque spirituelle : j’ai une foi inébranlable en l’humanité, en sa capacité à changer.

Muriel : Et que vois-tu concrètement ? Comment décris-tu ce changement de cap ?

Micaël : Je me réfère à nouveau à Joanna Macy. Elle thématise d’abord les actions de résistance et de lutte contre la destruction des écosystèmes et des cycles naturels et contre un système qui détruit tout ce qui fait notre humanité. Je pense à XR, aux grèves pour le climat, aux mouvements pour les droits des femmes, etc. De nombreuses organisations très engagées luttent dans le monde entier : nous sommes des millions à défendre la Terre !

Viennent ensuite les mouvements qui proposent ou incarnent des alternatives : l’agriculture bio, biodynamique ou régénérative, la permaculture, les circuits courts et leur économie locale – parfois même soutenue par une monnaie d’échange à petite échelle. Partout des gens réfléchissent à un monde post-capitaliste, post-patriarcat et post-énergies fossiles.

Mais rien ne sera atteint tant que nous n’opérons pas de réels changements psychologiques, culturels et spirituels. Ce sont nos imaginaires et notre rapport à la nature qui sont à réinventer. Des collectifs expérimentent des manières de vivre ensemble solidaires. Je vois un nombre grandissant de gens questionner les grandes industries qui pillent nos biens communs. Plein de petits indicateurs donnent à voir une humanité qui s’éveille, qui se reconnecte à sa nature profonde.

Muriel : Que fais-tu au quotidien pour voir émerger ce monde beau, solidaire, et sain ?

Je milite, j’anime des stages de Travail Qui Relie, bref, j’essaie d’être actif dans les trois dimensions évoquées juste à l’instant. Je me suis présenté aux élections communales lausannoises, sur la liste des Jeunes Vert-es. Mais je prône une certaine radicalité d’action avec d’autres formes de politiques qui ne sont pas institutionnelles. Je facilite les réunions des Doctors for XR. Le 29 mai dernier, les professionnels de la santé ont convaincu le directeur de l’Organisation mondiale de la santé, Tedros Adhanom Ghebreyesus, de se rallier à la cause climatique. Il a rappelé le lien évident entre santé et climat. Dans la même idée, nous avons remis, le 1er novembre, jour de l’ouverture de la COP26 à Glasgow, une lettre à Alain Berset, lui demandant de déclarer l’état d’urgence sanitaire. Nous voulons que chaque État prenne en considération la survie de sa population, en donnant la priorité au dérèglement climatique, aux écosystèmes ravagés, à l’extinction de la biodiversité. Ma radicalité se construit sur des faits scientifiques. Je veux que nos gouvernements prennent la mesure des choses : faire du développement durable est antinomique et loin d’être à la hauteur des enjeux, puisque la croissance économique est essentiellement le problème. Mon prochain projet : une nouvelle manifestation à Lausanne, à l’image des marches pour le climat. Je rêve de revoir 10’000 personnes défiler dans les rues.

Retrouvez les valeurs et les luttes qui portent Micaël : unautremonde.ch

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Photographe : Thierry Porchet