Natalie Bino

Portrait d’une transitionnaire

Natalie Bino a fondé Zero Waste Switzerland en 2015 et en est aujourd’hui co-directrice. Au menu de cette association : dépasser le cycle vertueux de recyclage des déchets pour carrément affamer nos poubelles. Si elle est convaincue que nos manières de consommer passe par un questionnement individuel de nos désirs et références, Natalie s’impatiente devant le manque de réactivité politique. Pour cette adepte également engagée au sein de Hautemorges en transition, la cause du zéro déchet va gagner en visibilité en 2022 !

Entretien réalisé par Muriel Raemy

En Suisse, 700 kilos de déchets par personne et par an sont produits. Cherchez l’erreur !

Natalie Bino

Muriel : L’association ZeroWaste Switzerland vient d’adopter un nouveau logo, celui d’une planète cabossée et tâchée. Pourquoi ce choix, est-ce un aveu d’échec face à l’ampleur des défis ?

Natalie : Non, au contraire ! Nous voulons faire évoluer l’identité de l’association pour mieux communiquer notre objectif premier : rendre son beau vert brillant à notre planète ! Notre ancien symbole, la roue de l’économie circulaire, a perdu de son sens pour être aujourd’hui très souvent associé au recyclage uniquement. Or notre but est la réduction massive des déchets à la source et avec eux le gaspillage indécent des ressources.

M : Comment s’y prend l’association ?

N : Un peu plus d’une centaine de bénévoles sont sur le terrain. Nous organisons des conférences, des ateliers, des semaines thématiques dans les écoles, des formations destinées à différents publics et collectivités. Nous avons, par exemple, accompagné 40 familles du Val-de-Ruz sur une année. Deux projets pilotes sont en cours dans les communes de Carouge (GE) et de Mendrisio (TI). Nous avons mis sur pied des programmes sur mesure, adaptés aux demandes spécifiques des mairies et à leur territoire : guides d’action, formation au niveau de l’administration, ateliers pour les entreprises ou du coaching ciblé en famille. Les poubelles des ménages du Val-de-Ruz ont diminué de presque 50% après 3 mois ! Et ce n’est pas le résultat d’un recyclage plus ciblé, mais bel et bien de l’adoption de nouveaux réflexes de consommation durablement installés. La première des 5 règles – les fameux 5R – et celle de refuser. Refuser d’acheter ce dont on n’a pas besoin, refuser le drill marketing !!

M : Ré-expliquer maintes fois les mêmes conseils aux débutant-e-s que beaucoup d’entre nous sommes, convaincre les milieux économiques : comment restes-tu motivée ?

N : Je sais que le zéro déchet n’est que le premier pas. Certaines personnes vivent une espèce de déclic, une réalisation qui remet en cause de nombreux aspects de leur vie : comment elles et ils utilisent leur argent, se nourrissent, se déplacent, se logent, etc. Quelle joie de pouvoir accompagner ces prises de conscience !

Mais il faut passer à la vitesse supérieure : l’emprunte matérielle de la Suisse est énorme en comparaison de celle des pays de l’Union européenne. Notre pays produit 80 à 90 millions de tonnes par an pour faire face à la demande dans les secteurs de la construction de bâtiments et de voitures, de la consommation d’appareils à la complexité technique qui rend leur recyclage impossible et mobilise des ressources considérables pour extraire les minéraux qui les composent. C’est sur l’ensemble des producteurs et des acteurs de la chaîne d’approvisionnement qu’il faut agir. Au parlement européen, nos voisins pratiquent un lobbyisme intense en matière de réduction des déchets. Qu’attend-on pour en faire de même en Suisse ? Notre nouveau président, Nicolas Walder, conseiller national et vice-président des Vert-e-s, porte nos arguments et nos scénarios pour inciter à l’action. Dans tous les cas, en 2022, nous allons nous concentrer sur notre projet « Adoptons le Zéro Déchet » et créer ainsi un réseau national de commerces et restaurants favorables au zéro déchet.

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