Sebastian Justiniano Birchler

Il était une fois un stage

Au moment de partager mon expérience en tant que premier stagiaire du Réseau Transition Suisse Romande, les moments, les idées et les émotions se bousculent dans ma tête, mon cœur, mon corps. Je cherche les mots, je ne les trouve pas encore. Puis, je me rappelle une phrase que j’avais écrite, il y a plus d’un an : « même les pages blanches ont leurs histoires ». C’est le déclic pour moi.

Fin de l’été 2019, j’ai 35 ans, je suis au chômage et je viens d’arrêter une seconde formation universitaire pour vivre, expérimenter, m’engager concrètement dans la durabilité. En quelques mois, j’expérimente la désobéissance civile non-violente, le travail qui relie, la survie en forêt, je fais de nombreuses randonnées, je pratique régulièrement la méditation, je joue beaucoup de guitare et commence à libérer ma voix en chantant. C’est intense, trop intense. Étrangement, je me sens à la fois connecté, faisant partie d’un Tout, et en manque d’ancrage, très fatigué, isolé. Convaincu et vaincu.

C’est pendant cette période que je prends aussi contact avec Micaël Métry pour en savoir plus sur le Réseau et avec une idée en tête : faire un stage professionnel dans le cadre du chômage. En octobre, je participe à la journée des  Transitionneur·ses organisée par le Réseau. J’y rencontre des personnes inspirantes des quatre coins de la Suisse romande et Noémie Cheval avec qui nous échangeons brièvement sur la possibilité de faire le stage. Je sens que cela est possible. En novembre, la décision est prise : je commence en décembre pour soutenir la recherche de financement du Réseau au bureau lausannois.

Six mois plus tard, le 2 juin, au bureau à Bienne, Noémie, Edwyge, Christelle et moi, nous nous retrouvons pour la première fois depuis le Covid-19 et pour faire ensemble le chemin de fin de stage. Gratitude et célébration sont au rendez-vous. Joie des retrouvailles et émotions du départ, aussi. Je suis touché par leurs paroles et leurs remerciements. Pour les remercier à mon tour, je lis un extrait de Lettre à la Terre et la Terre répond de Geneviève Azam, un livre dont la lecture m’inspire et me bouleverse particulièrement : 

Le chemin peut vous paraître infini et le but hors d’atteinte. C’est une erreur de perspective. Car il suffit de sortir du chemin, de se retourner, de faire un pas de côté, de changer d’orientation et de regard, pour voir et comprendre que les mondes que vous désirez sont déjà là à votre portée. Ils existent de votre présence attentive à ce qui est et à ce qui arrive. C’est déjà se soustraire à l’obéissance et au conformisme.

En y repensant, pendant mon stage s’est accomplie la raison d’être du Réseau : j’ai été inspiré, soutenu et accompagné dans ma transition intérieure et extérieure. Ma page blanche s’est parée de lettres en couleurs. Mon histoire s’est unie au grand livre de la Transition, cette histoire qui, depuis des années, s’écrit quotidiennement par des milliers de mains, que racontent des milliers de voix aux quatre coins du monde et qui se réalise ici, maintenant et ensemble, en Suisse romande, dans la quête continue de l’équilibre Tête-Cœur-Mains. Au sein du Réseau, j’ai pu exister pleinement, avec mes émotions, ma personnalité, mon histoire, parce que les différences, la diversité y sont cueillies et accueillies au service de la Transition. Ce fameux « Je » pour le « Nous », cet indispensable pouvoir d’agir collectivement.

Aujourd’hui, je suis un chômeur en transition, un parmi de nombreux·ses autres. Si mon stage s’est achevé, mon chemin dans et pour la Transition continue avec plus que jamais l’envie de contribuer à la réalisation de la Transition dans nos communes avec le soutien de nos autorités et avec l’appui d’un revenu de transition écologique, par exemple. Bref, pour mettre en place ensemble une nouvelle ère de la Vie. On s’y met ?

Merci pour ce que nous faisons pour la transition écologique et sociale en Suisse romande ! 

Sebastian Justiniano Birchler, Vevey, 8 juin 2020