Système B et le Jardin B

Trans’histoire – juin 2023

Tout a commencé quand un petit magasin bio au centre-ville de Neuchâtel où Tom travaillait a annoncé sa fermeture. « Créons quelque chose ensemble », ont décidé Federica, Lydia et Tom. Un petit appel écrit à la main et déposé sur le comptoir lors des dernières semaines d’activité « Qui serait intéressé à constituer un groupe pour ouvrir une épicerie bio participative ? ». Un groupe de neuf personnes se crée en s’inspirant de ce qui se fait à New York (Food Coop) et à Paris (La Louve), le concept en étant encore à ses débuts en Suisse.

Par Nathalie Ljuslin

Ce que nous décidons de manger peut changer le monde.

John Robbins

À peine un an plus tard, et avec de nombreuses séances à son actif, le 10 mars 2018, « Système B » ouvre ses portes. B, comme un plan B car le système dominant pour ses fondatrices et fondateurs a échoué et qu’il faut une solution pour sortir de cette situation périlleuse pour la planète.

Système B est bien une solution alternative, une coopérative alimentaire éthique, bio et locale, qui vise à construire un système horizontal et de proximité entre personnes qui consomment et qui produisent. Federica s’enthousiasme : « C’est l’économie inclusive: des produits accessibles à tout le monde et des producteurs·trices payé·es au juste prix. »

Autre particularité, l’épicerie est participative. En effet, pour y faire ses courses, il faut être membre de la coopérative, moyennant l’acquisition d’une part sociale et d’au moins trois heures de travail par mois. Cet engagement peut se faire par exemple au sein de l’épicerie pendant les heures d’ouverture ou au sein d’un groupe de travail. L’ensemble de l’épicerie tourne ainsi sans salariat.

Dès l’ouverture, 140 personnes sont venues s’ajouter aux 9 confondateurs·trices, bientôt 200, et les listes d’attente s’allongent. Le système plaît. Une autre valeur de cette équipe est la transparence et le partage. Aucune propriété intellectuelle n’est revendiquée, bien au contraire. Grâce à cela d’autres coopératives verront bientôt le jour : Chez Emmy à Saint-Blaise, La coopérative d’à côté dans le quartier de Louis-Favre à Neuchâtel, Épicentre à Boudry, Superéthic vers la gare, et permettent d’accueillir toutes les personnes intéressées par la démarche.

Et ce n’est pas fini. En 2021, Système B décide de créer son propre jardin potager aux abords de la ville, ce qui permet à l’épicerie de s’auto-approvisionner avec de nombreux légumes. Le jardin s’immisce dans un verger mis en place par une autre coopérative partenaire, celle de la Bor, s’inspirant ainsi des principes de l’agroforesterie et de la permaculture, encourageant les collaborations entre êtres vivants. Malgré son jeune âge, la coopérative ne cesse d’innover, grâce notamment à son système de gouvernance partagée qui donne beaucoup d’autonomie décisionnelle à ses membres.

Système B fait rêver, mais rencontre aussi des limites. Un cercle vient de se créer « Système B s’ouvre au monde » pour essayer de diversifier le public qui fréquente l’épicerie, sortir de l’ « entre-soi » et permettre à des personnes du quartier, isolées et d’autres milieux socio-économiques, d’également accéder à ce petit paradis. Le défi est grand, d’après des études sociologiques: pour l’instant il semblerait qu’aucune épicerie urbaine n’a réussi à vraiment s’ouvrir à des milieux sans formation universitaire. Mais Système B n’en est pas à son premier miracle !